À Muttersholtz, les cigognes et les vélos règnent en maîtres

“L'éducation est l'arme la plus puissante que l'on puisse utiliser pour changer le monde”, confie Patrick Barbier, maire de Muttersholtz depuis 2008 et ancien instituteur, citant Nelson Mandela. Dans la commune, cette conviction irrigue les politiques publiques depuis plusieurs années. Qu’il s’agisse d’énergie (la commune est à énergie positive), de nature (la première Maison de la Nature de France y fête bientôt ses 50 ans) ou de mobilité, chaque action est pensée pour faire émerger un modèle de transition ancré dans le quotidien.

Un village transformé par les voies douces

Dès son élection comme maire, Patrick Barbier relance un rêve ancien : permettre aux enfants de rejoindre l'école et le gymnase sans danger. Malgré une distance à vol d'oiseau d'à peine 200 mètres entre ces deux bâtiments, les élèves devaient auparavant effectuer un long détour de 15 minutes en longeant une route départementale dangereuse, traversée quotidiennement par 8 000 véhicules

"Quand j'étais instituteur dans les années 90, j'emmenais rarement mes élèves au gymnase à cause de cette difficulté", raconte Patrick Barbier. "Il fallait marcher sur la route avec beaucoup de circulation. Les trottoirs faisaient à peine 50 cm de large à certains endroits, et les voitures stationnaient dessus."

La solution ? Créer un passage direct à travers propriétés privées et jardins. Un projet qui a nécessité beaucoup de patience et de diplomatie : "Nous avons négocié avec plusieurs propriétaires pour établir ce passage. Le plus difficile a été de convaincre une indivision de quatre propriétaires. Mais tout s'est réglé à l'amiable", explique Patrick Barbier.

Ces aménagements ont transformé les déplacements dans le village. Aujourd'hui, Muttersholtz dispose d'un réseau complet de voies douces et de pistes cyclables dans toutes les directions, menant notamment vers un nouveau cœur de ville redynamisé. 

Le Savoir Rouler à Vélo : un pilier essentiel

Cette transformation de l'espace urbain s'est accompagnée d'une politique active de promotion du vélo, notamment auprès des enfants.  Le Savoir Rouler à Vélo constitue un élément clé de cette stratégie. “Il est essentiel que les enfants apprennent à faire du vélo tôt. Plus on grandit sans avoir acquis cette habitude, plus il devient difficile de s’y mettre ensuite”, commente Patrick Barbier. “Les deux premiers blocs peuvent être assurés par les enseignants, mais pour le bloc 3 avec circulation en conditions réelles, nous faisons appel à un intervenant extérieur professionnel”.

La prise en charge de 50 % du coût des interventions extérieures par Génération Vélo a facilité le lancement. Aujourd’hui, la dynamique est lancée et la commune envisage de poursuivre la démarche à l’avenir : "C'est une évidence pour nous de continuer à financer le Savoir Rouler à Vélo, même sans aide extérieure", affirme le maire. "Il y a un tel élan qu’il serait impensable de l’interrompre."

Le vélo au cœur de la culture locale

Cette politique porte ses fruits : aujourd'hui, une grande partie des élèves se rend à l'école à pied, à vélo ou à trottinette. La commune participe chaque année au “Défi scolaire J’y Vais”, qui comptabilise le nombre d’élèves utilisant les modes actifs. Un événement qui a permis de prendre la mesure de l’évolution des comportements : "Un jour, une professeure de l'école m'a appelé pour me dire qu'il y avait 129 enfants qui étaient venus à pied, à vélo ou à trottinette. L’école accueille 140 enfants, j’en ai donc conclu que seuls 11 enfants n’avaient pas utilisé les modes actifs… mais elle m’a répondu qu’il y avait des absents !", s'enthousiasme Patrick Barbier.

Le vélo est désormais ancré dans la culture locale. "Aujourd'hui, les rares enfants qui n'ont pas le droit de venir à pied ou à vélo font la guerre à leurs parents pour faire comme les autres", confie le maire. 

L’apprentissage du vélo se conjugue à une politique globale : zone 30 généralisée, ralentisseurs au niveau des passages piétons, stationnement vélo sécurisé, présence une fois par mois d’un réparateur vélo itinérant sur le marché, expérimentation d’un vélobus pour le transport des enfants vers l’école, prime vélo pour les agents communaux, etc. En plus du “Défi J’y Vais”, Muttersholtz participe également au challenge “Ville en Selle”. 

Un exemple inspirant pour d’autres communes

Pour les collectivités qui souhaiteraient s'inspirer de l'expérience de Muttersholtz, Patrick Barbier recommande d'agir simultanément sur deux fronts : "S’appuyer sur le Savoir Rouler à Vélo est indispensable. Mais il est également important de développer les pistes cyclables pour inciter à la pratique car, si les trajets ne sont pas sécurisés, les enfants n’utiliseront pas le vélo au quotidien." Le maire insiste aussi sur l'importance de créer des itinéraires vélos-piétons en site propre quand c’est possible, notamment lors de l'aménagement de nouveaux quartiers.

Pour Patrick Barbier, cette transition vers le vélo est inéluctable : "C'est le sens de l'histoire. Pour des raisons de santé - les médecins prescrivent le vélo aujourd'hui - et pour la transition écologique. Mais le vélo, ce n'est pas seulement de la cohérence écologique et un argument santé, c'est aussi un plaisir."

© photo illustrant l'article : Olivier Mathiotte